La compagnie de Lazare est une bien étrange publication. Photo ? Littérature ? Musique ?
Un peu tout cela… et bien d’autres choses ! C’est avant tout une revue de « coups de coeur », sans genre particulier, sans aucun a priori. Avec comme seule préoccupation la curiosité, la qualité, l’exigence, que ce soit en matière de textes, de photos ou d’illustrations. Et, bien entendu, une furieuse envie de partager tout cela…
Pourquoi ce titre étrange lui aussi ?
C’est d’abord un clin d’oeil et un hommage à mon grand-père maternel, qui s’appelait Lazare. Il était militaire. Il a servi dans l’armée française pendant les deux guerres mondiales. J’ai retrouvé de nombreuses photos où on le voit avec ses frères d’armes, ses camarades de « compagnie », au sens militaire du terme.
Lazare Capdevielle était un homme formidable, aimé de tous. Un « honnête homme » au meilleur sens du terme. Hélas, je ne l’ai pas connu. Il est mort trois ans avant ma naissance. Ceux qui l’ont connu, en revanche, me disent la même chose : « Avec lui, on était toujours en bonne compagnie ». J’adore cette notion un peu abstraite de bonne « compagnie »…
Et puis un dernier clin d’oeil : Lazare est mon second prénom. Je suis donc à chaque instant, moi aussi, en compagnie discrète mais réelle de ce grand-père que je n’ai pas connu mais avec lequel je continue de cheminer. La compagnie de Lazare n’est rien d’autre que ce rassemblement amical, informel, de tous ces lecteurs qui cheminent dans mon sillage, comme je chemine moi-même dans celui de mon grand-père, de toute ma famille, de tous mes amis. Une manière à la fois de « boucler la boucle » tout en l’élargissant.
Très symboliquement, le premier numéro de la revue commence par une lettre de Lazare. il l’avait écrite à l’attention de ma mère pour le jour de ses 20 ans. Bien sûr c’était mon grand-père. Bien sûr c’était ma mère. Mais c’est surtout une lettre universelle, la lettre d’un père à sa fille, bouleversante de simplicité et de profondeur. Elle parle de travail, d’amour, de valeurs, de responsabilité, de liberté, de transmission. C’est en la découvrant un jour, bien après la mort de ma mère, que j’ai eu l’idée de cette revue. Mon grand-père en est donc le vrai inspirateur. Il était normal qu'elle porte aussi son nom.
C’est donc une revue presque intime… Une sorte de « jardin secret » ?
Je ne dirais pas « intime », mais plutôt « extime », c’est-à-dire tout ce qui est de l’ordre de l’intime, mais que l’on peut partager, que l’on gagne à partager parce que chacun peut s’y retrouver.
Toutes proportions gardées, et pour parodier Montaigne, c’est évidemment « moi que je peins » mais simplement pour rappeler que « chaque homme porte la forme entière de l’humaine condition. » Ce qui était vrai pour Montaigne, l’est aussi pour mon grand-père, pour moi, pour mes amis, pour les amis de mes amis, pour tous les lecteurs.
Parce qu’elle est profondément personnelle, cette revue est profondément universelle. En ce sens, c’est moins un « jardin secret » qu’un « jardin public ».